PRISE DE POSITION DE L’ANCES 07/02/2023

PROJET DE LOI N° 7994

CHAMBRE DES DEPUTES

SESSION ORDINAIRE 2022 - 2023

portant aide, soutien et protection aux mineurs, aux jeunes et aux familles et portant modification:

  1. du Code du travail ;
  2. de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire ;
  3. de la loi modifiée du 16 juin 2004 portant réorganisation du centre socio-éducatif de l’Etat ;
  4.  de la loi modifiée du 4 juillet 2008 sur la jeunesse ;
  5. de la loi modifiée du 10 décembre 2009 relative à l’hospitalisation sans leur consentement de personnes atteintes de troubles mentaux ;
  6. de la loi du 1er août 2019 concernant l’institut étatique d’aide à l’enfance et à la jeunesse ;

et portant abrogation

  1. de la loi modifiée du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse ;
  2. de la loi modifiée du 16 décembre 2008 relative à l’aide à l’enfance et à la famille

Contexte
Nous vous remercions vivement de nous avoir donné la possibilité d’ajouter dans cette étape importante dans le domaine de l’aide à l’enfance et à la famille le point de vue de l’ances -association nationale des communautés éducatives et sociales du Grand-Duché de Luxembourg (Fachverband fir Pedagogik an Sozial Aarbecht). L’ances s’entend comme un forum professionnel ouvert à toute personne et professionnel intéressé du secteur éducatif et social. Crée en 1978 notre objectif est de promouvoir le savoir et le savoir-faire, la théorie et la pratique du travail social et éducatif au Luxembourg. En tant qu’association nationale nous avons opté pour une organiser un débat (focus groupe) avec des professionnels identifiés comme experts en la matière afin de proposer une prise de position commune en vue du projet de loi 7994.

Participants
Petra BÖWEN (vice-présidente ances) ;
Jerry FELLENS (Responsable pédagogique, SOLINA Solidarité Jeunes) ;
Malik HAMOUCHE (Service éducatif, Caritas Luxembourg) ; Fabrice MOUSEL (assistant social, Service National de Psychiatrie Juvénile) ;
Carole RECKINGER (Plaidoyer, Caritas Luxembourg) ;
Raoul SCHAAF (Directeur CNDS) ;
Christoph WEIRCH (membre ances ; Service Formation Caritas Luxembourg) ;
Patrick WESQUET (Service Treff-Punkt ; AITIA).


Modération
Magali DE ROCCO (collaboratrice ances)

I) Résumé des points centraux 

De façon générale, nous saluons le projet de loi 7994 et le changement qu’il induit dans le domaine de l’aide aux enfants et aux jeunes. Il s’agit d’un moment historique, car le projet entraînera un changement de paradigme (séparation entre les pouvoirs actuels, changement d’attitude professionnelle). Nous saluons en particulier les points suivants (non exclusifs), que nous considérons comme positifs :

  • La participation : Elément clé du travail social, la participation reflète une attitude professionnelle fondamentale du travail social. A différents endroits du texte, la participation se retrouve, notamment elle fait partie des cinq objectifs spécifiques.
    •  (p. 4) « En application de l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant, le présent projet de loi met en place des dispositifs légaux spécifiques garantissant l’information et la participation des mineurs, des jeunes adultes et de leur famille, tant dans les procédures volontaires que dans les procédures judiciaires. »
    • En outre, la participation est décrite plus précisément dans les articles 31 (La participation des bénéficiaires) et 51 (La participation du bénéficiaire et son droit d’être entendu)
  • Le maintien de l’autorité parentale aussi longtemps que possible aux mains des parents fait partie intégrante des cinq objectifs spécifiques et est interprété à la base comme positif.
    • (p.4) « Ainsi, la famille est à considérer comme partenaire dans la prise en charge des mineurs et non pas comme adversaire ou élément externe. Il en découle que le maintien de l’autorité parentale auprès de la famille d’origine devient la règle. »
  • La réforme prévue de l’unité de sécurité (UNISEC) à Dreiborn.
  • La déjudiciarisation de l’aide, dans ce sens le rôle primaire que jouera le futur Office National de l’Enfance (ONE) est à la base saluée. Néanmoins, la judiciarisation reste un élément incontournable si la participation parentale n’est possible et/ou que le contexte parental met en péril les intérêts supérieurs de l’enfant.
  • Le droit de chaque enfant à un avocat, mis en avant dans l’exposé de motifs :
    o (p.3) « De faire en sorte que tous les enfants âgées de moins de 18 ans, sans exception, qui sont soupçonnés, accusés ou reconnus coupables d’une infraction pénale soient pris en charge dans le cadre du système de justice pour enfants par des juges spécialisés correctement formés, en privilégiant la déjudiciarisation, la justice réparatrice et la réinsertion en garantissant tous les droits en matière de procédure, y compris l’assistance d’un avocat spécialisé qui puisse, autant que possible, être choisi à partir d’une liste accessible ou commis par l’association du barreau. »

Cependant, le projet de loi actuel laisse encore beaucoup de place à l’interprétation et de nombreux passages sont imprécis quant à leur mise en œuvre ultérieure et ce qui a des conséquences non négligeables pour les professionnels de terrain. A titre d’exemple, il serait souhaitable que l’art. 3 « La stratégie nationale des droits des mineurs » (p.7) indique des points concrets sur la manière dont la mise en œuvre peut se faire en pratique. La participation qui est un élément clé est de haute importance dans la pratique professionnelle en question, reste trop dans le flou. On se pose à cet égard encore trop de questions du comment, qui et quand. L’apparence d’une implication pseudo-démocratique de divers acteurs peut apparaître, car l’implication des représentants de la société civile (experts de terrain non ministériels) n’est pas envisagée dans les différentes instances créées (CRIP, Commission nationale). Même si l’ONE obtient plus de poids et devient l’acteur principal, la lecture du 

projet donne l’impression que le prestataire, le tribunal ou d’autres acteurs impliqués deviennent un „simple exécutant“ des missions et des décisions de l’ONE. Ici il serait souhaitable de postuler la même idée participative entre les professionnels et l’ONE, comme elle est souhaitée entre l’ONE et les familles. Ceci peut fortement gêner le rôle du prestataire dans le travail au quotidien, ainsi que minimiser l’importance du professionnel sur le terrain dans certaines circonstances. Enfin, nous regrettons que les mineurs non accompagnés (MNA) ne soient pas pris en compte dans le projet de loi. Ainsi, les besoins de ce groupe cible – qui coïncident également avec les besoins des mineurs faisant partie de la population cible de l’ONE – risquent d’être négligés. Il y a de forts doutes dans le secteur, comment les MNA peuvent rentrer dans le projet de loi actuel.

Le projet de loi actuel ne fournit malheureusement pas d’informations/d’indications sur la personne qui assume l’autorité parentale si ce n’est pas l’institution ? A qui sera confiée à l’avenir l’autorité parentale ? Qui s’occupera du suivi intensif à long terme du jeune en première ligne ? Qui défendra ses droits ? Qui se battra pour ses intérêts ? Qui prendra la responsabilité pour le jeune et ses besoins spécifiques ? Sans qu’il y ait un trop de professionnels interchangeables qui agissent autour du jeune victime d’instabilité. Y a-t-il pas un grand risque qu’il y ait alors trop d’acteurs impliqués dans des systèmes familiaux dysfonctionnels ? Sur quels modèles s’oriente-t-on ?
Aussi, la réécriture du texte de loi risque d’étouffer le dialogue constructif et structuré qui s’est instauré dans le secteur AEF au cours des dernières 10 à 15 années, car de nombreux nouveaux processus doivent être lancés autours des différents acteurs ciblés. Nous voulons attirer l’attention sur le fait qu’il est important de s’appuyer sur les réseaux déjà existants et de faire progresser le dialogue entre les différents acteurs (ONE, prestataires, Justice, etc.).

Sur les pages qui suivent, nous souhaitons exposer les cinq points principaux qui nous semblent importants et pour lesquels nous voyons un besoin d’amélioration du point de vue de la mise en pratique. Parmi ceux-ci, on peut citer certains points qui nous semblent important à souligner :
(1) Participation
(2) Travail de qualité
(3) Représentation et rôle des futurs des prestataires et professionnels de terrains
(4) Intérêt supérieur de l’enfant :
MNA et jeunes en situations d’addictions entre autres, liées aux substances illicites, la santé mentale et la défense des intérêts de l’enfant par un professionnel (fachliche Fallführung) proche du jeune et de sa famille et ceci à long terme.
(5) Mise en réseau & coopération

II) Points centraux

  1. Participation

Le projet de loi actuel prévoit dans plusieurs articles la participation. Plus spécifiquement l’art. 5, l’art. 31 et l’art. 51 en parlent.

  • Dans l’art.5 « Les mesures préventives » on y retrouve au point (2) Il existe les formes de mesures préventives suivantes – alinéa 2 « l’institution des formes de participation citoyenne active au bénéfice du mineur, du jeune adulte, des parents et des familles. »
  • L’art. 31 stipule la « Participation des bénéficiaires ». Ainsi on lit les passages suivants :
    « Le mineur ou jeune adulte et les personnes faisant partie de l’entité familiale du mineur ou du jeune adulte et les personnes clé de son entourage sont invités à participer à la mise en place du PI.
    L’ONE organise en cas de besoin une réunion de concertation formelle réunissant les bénéficiaires et es prestataires. Toute demande de changement essentiel dans la situation des bénéficiaires est précédée d’une séance de concertation et est accordé au préalable par l’ONE. »
  • L’art. 51 «La participation du bénéficiaire et son droit d’être entendu » :
    «Le mineur et le jeune adulte ont le droit d’être entendus et d’exprimer leur opinion sur toute question qui les concerne sauf en cas d’urgence ou de situation exceptionnelle. Le mineur peut se faire assister par une personne de son choix pour communiquer son opinion. Le mineur et le jeune adulte reçoivent toute information nécessaire pour assurer leur droit à l’information et à la participation ».

Nous saluons vivement le fait que le thème de la participation se retrouve dans le texte de loi. Nous voyons toutefois quelques risques dans la mise en œuvre, car le projet de loi actuel reste malheureusement trop flou quant à la forme et aux modalités exactes. Il y a donc un risque que la participation puisse être un modèle, mais qu’elle ne soit pas liée à un principe d’action. Des mots comme „en cas de besoin“ nous semblent peu efficaces pour la mise en œuvre proprement dite.
Lorsqu’on aborde le thème de la participation, les droits et les devoirs de tous les acteurs impliqués (dans ce cas, ceux des enfants, des jeunes, des parents et des professionnels impliqués) doivent être clairs dès le départ. Afin que la participation réussisse par la suite, cela implique une négociation transparente avec les limites et les pouvoirs des acteurs au début d’un processus d’aide de toutes les parties impliquées.
Nous ne considérons pas la participation comme un „nice to have“, mais comme une attitude professionnelle. Une telle attitude permet, encourage et exige la participation à chaque moment de l’action professionnelle et ce toute au long du processus d’aide. Les points de vue des enfants/adolescents et des parents ainsi que des professionnels définissent le cadre ultérieur d’une pratique orientée vers la participation. Et cela nécessite une négociation commune.

Questions :

Afin d’opérationnaliser la participation dans le projet de loi actuel il importe de se questionner sur les aspects suivants :

  •  En se référant à l’art. 31 : Qui définit au futur le besoin pour se réunir  « …L’ONE organise en cas de besoin une réunion de concertation formelle réunissant les bénéficiaires et es prestataires » ?
  • Comment et sur base de quels modèles la participation devra être réalisée ? Comment donner une voix aux enfants, jeunes adultes et familles ?
  • Qui va les représenter, soutenir, protéger et finalement défendre leurs intérêts (fachliche Fallführung) ?

Revendication :

  • Nous suggérons que le thème de la participation soit présenté de manière plus précise dans le texte. Il faut renoncer à des mots comme „sont invités“, „en cas de besoin“ „peut“. Nous proposons également de citer des modèles concrets de participation qui ont fait leurs preuves dans le domaine de l’aide aux enfants et aux jeunes. On peut citer ici le modèle de Laura Lundy qui a conçu un modèle de participation utile pour des enfants dans des contextes d’aides diverses(1*) . Il est important aussi de décrire précisément dans la loi la situation d’aide sous contrainte judiciaire si la participation (parentale ou du mineur) fait défaut et s’il y a mise en danger de l’intérêt supérieur de l’enfant.

2. Travail de qualité

La qualité du travail va de pair avec un travail qualitatif, qui est à son tour réalisé par des experts et des professionnels dans la pratique. Dans le cas de l’aide à l’enfance et à la famille, cela concerne aussi bien les professionnels sociaux, pédagogiques et psychologiques que les professionnels juridiques, de santé, les avocats, les juges, etc. Pour que ces derniers puissent fournir un travail de qualité, il faut s’assurer qu’ils disposent d’une formation adéquate basée sur des principes d’evidence. Cela implique également que les avocats et juges, et en particulier ceux qui représentent les intérêts des enfants/jeunes, aient des notions et compétences théoriques et pratiques des sciences sociales et de communication. Les observations et les expériences de la pratique professionnelle montrent en effet que les avocats n’ont souvent aucune ou peu de connaissances des besoins et réalités sociales des enfants, des jeunes et de leurs familles. Il est souhaitable que les professionnels du droit suivent également des formations sociales appropriées afin de pouvoir s’adapter au mieux à la clientèle. Les avocats pour enfants et les avocats chargés de représenter les enfants et les jeunes ont particulièrement besoin d’une formation supplémentaire en plus de leur formation juridique. Actuellement, le projet de loi n’apporte pas de solutions à ce problème. Il est souhaitable que cela soit précisé dans le texte et mis en pratique afin de réaliser une politique dans « l’intérêt de l’enfant ».

En outre, dans le projet de loi actuel, il est question à plusieurs endroits de la „démarche qualité“. Celle-ci est liée à des moyens financiers ultérieurs qui doivent permettre de proposer des offres d’aide dans le domaine de l’aide à l’enfance et à la jeunesse. Malheureusement, le texte actuel ne donne aucune information sur la manière dont cette qualité pourra être garantie à l’avenir. Pour cela, il faut des moyens supplémentaires : en personnel, en temps, en formation et en argent. Nous regrettons également que le projet de loi n’aille pas assez loin en matière de „qualité et d’orientation de la qualité“. En effet, le projet ne prévoit actuellement pas de budget ou de temps supplémentaire à cet effet. La qualité ne se fait pas „à côté du travail“. Pour réaliser et garantir un travail basé sur des normes de qualité, il faut du temps, des compétences, des budgets financiers suffisants ainsi que des professionnels qualifiés. 

Le risque est que si le projet de loi actuel ne prévoit pas de ressources supplémentaires (en temps, en argent, en personnel), cela devienne difficile à mettre en œuvre dans la pratique ultérieure. Et nous aurons besoin à l’avenir d’un travail garantissant la qualité.
Pour défendre les intérêts de l’enfant et assurer son suivi rapproché et intensif (Fallführung) il requiert pas seulement du savoir-faire, cultivable via des formations, mais aussi et surtout du «savoir-être, qui relève de la personne, de sa personnalité et sa motivation de s’engager. Il serait donc important de veiller à ses qualités concernant le choix des professionnels.


Revendications :

  •  Formation : Nous demandons que les avocats et les casemanager (Fallführung) qui défendent les intérêts des enfants acquièrent également des compétences sociales et pédagogiques approfondis grâce à des formations continues appropriées. Ce point doit être amélioré dans le projet de loi actuel. Malheureusement, la pratique montre qu’il y a un besoin de rattrapage dans ce domaine. Il est sous-entendu que ces formations devraient inclure des supervisions professionnelles régulières, ceci pour garder son professionnalisme et sa motivation de travail sur ce terrain pas évident et hautement complexe.
  •  Ressources nécessaires : La qualité ne se fait pas „en plus“ avec les ressources existantes. Elle nécessite des ressources supplémentaires, qui doivent être prises en compte dans un projet de loi.
  •  Il devrait être mise en place un vrai « quality management » basé sur des critères d’évidence scientifique. Ces critères d’évidence scientifiques devraient avoir leur place tout au long du parcours du jeune et faire sens de fil rouge tout au long de sa prise en charge. Ceci aussi pour finalement évaluer l’utilité et le sens des interventions.

3.Représentation et rôle des futurs des prestataires et professionnels de terrains

Comme nous l’avons déjà mentionné, le passage général de la justice à l’Office National de l’Enfance (ONE) est accueilli avec une certaine réserve. Compte tenu de la fonction des gestionnaires qui en découle, des questions importantes se posent quant au rôle futur de ces derniers. La lecture du projet de loi actuel laisse supposer que les gestionnaires deviendront les seuls „exécutants“ des décisions de l’ONE, sans droit de regard ni pouvoir de décision. Le projet de loi actuel se lit malheureusement de manière très unilatérale à cet égard. Nous voyons le risque qu’à l’avenir, que des libertés dans la prise en charge de l’enfant dans les démarches pédagogiques qui existent aujourd’hui n’existeront plus pour le prestataire dans le futur. Et certaines libertés sont jugées comme essentielles, car elles se basent sur le travail pédagogique qui est fait par les professionnels de terrain. Cela concerne surtout les décisions sur les placements en institution et leur objectif pour le jeune, ainsi que le besoin éventuel de dépassement de la capacité d’accueil (en cas de besoin).

Ce qui nous interpelle particulièrement, c’est le point 3 de l’article 39 :

« Le prestataire a l’obligation d’informer l’ONE qu’il possède une disponibilité dans sa capacité de prise en charge au plus tard dans les trois jours ouvrables à compter de la date où la place s’est libérée. Le prestataire est obligé de dépasser à la demande motivée de l’ONE, sa capacité d’accueil maximale de 25% pendant une durée maximale de trois mois. Le prestataire peut uniquement refuser un mineur ou un jeune adulte au motif que son âge ou son sexe ne correspond pas aux dispositions prévues par l’agrément accordé pour la mesure visée. Toute demande de prise en charge passe par l’ONE. Le prestataire n’a pas en droit de faire une admission d’un bénéficiaire en direct, sauf en cas d’urgence. » 

Le risque est que ces changements aient un impact négatif sur le travail pédagogique et donc sur la qualité en général. Outre la question de la surpopulation, nous considérons également que la question du matching (Passung) est critique. À l’avenir, c’est l’ONE qui devra décider quel enfant sera placé dans quelle structure. Cette compétence revient aujourd’hui au prestataire, qui connaît le groupe de vie d’accueil. Une détermination „de l’extérieur“, non basée sur les besoins réels du jeune peut avoir des conséquences négatives pour l’enfant et pour les autres enfants en institution. Nous considérons qu’il est important qu’à l’avenir, le matching se fasse en dialogue étroit entre le prestataire et l’ONE, dans l’intérêt de l’enfant.

Outre le rôle futur du prestataire, se pose également la question de la représentation de la société civile (donc également des représentants des prestataires) dans les instances nationales. Nous y référons à l’art. 39 et au chapitre 3 du projet de loi. Nous regrettons que ces instances soient exclusivement composées de représentants de postes ministériels et qu’il soit ainsi renoncé à la participation d’experts externes. Dans ces deux organes, la vue des experts du terrain et des prestataires devrait être incluse. En outre, tout droit à la participation de la part des prestataires dans le processus d’aide est supprimé. L’actuel projet de loi prévoit dans l’art.39 cinquième point :

« (1) Les missions des prestataires sont les suivantes : (…) 5° la communication aux instances gouvernementales des déficiences dans le système de prise en charge et de propositions d’amélioration de la prise en charge (…).» Ceci n’est pas interprété comme une participation active. Ainsi une plus grande participation bidirectionnelle dans les instances nationales est souhaitée.
De ces critiques et lectures découle la question suivante : Comment le droit de décision et de participation du prestataire est-il défini et mis en œuvre en pratique dans des instances nationales ?

Revendications :

  •  Pour qu’une politique réelle puisse être menée dans l’intérêt de l’enfant, il faut une participation et une représentation de tous les partis dans les organes nationaux et organes de décision. Nous souhaitons que la composition de ces organes (CRIP et Conseil supérieur de l’aide, du soutien et de la protection aux mineurs, aux jeunes adultes et aux familles) soit revue.
  • Que le processus du matching par l’ONE soit de nature participative en fonction des capacités des structures, basé sur les besoins de l’enfant et que leur bon fonctionnement quotidien (p.ex. respect de la dynamique de groupe, constellation des problématiques présentes, …) soit garanti. L’emploi de ressources de ces structures a toujours un impact à la qualité de l’encadrement qui après tout devrait être l’objectif central de la présente reforme.
  • Le droit de parole et de participation est considéré comme un canal important de coresponsabilité et de codécision. L’intégration des prestataires dans les organes nationaux est considérée comme essentielle. Tout ce qui concerne l’enfant doit être pris dans le cadre d’un dialogue entre les instances étatiques et la pratique de terrain (prestataires).

4.Intérêt supérieur de l’enfant : MNA, jeunes en situations d’addictions liés aux substances illicites et prise en charge en santé mentale des jeunes

Le projet de loi actuel décrit d’emblée que l’un des cinq objectifs est de mettre la promotion des droits de l’enfant au cœur du dispositif et de mener une politique dans l’intérêt de l’enfant. Cependant, il ressort de la lecture que tous les enfants et jeunes adultes ne sont pas concernés par le projet de loi. Il y a donc un risque qu’ils soient oubliés.
On considère trois groupes cibles : D’une part les mineurs non accompagnés (MNA), d’autre part, tout jeune et jeune adulte qui se trouve dans des situations d’addictions (substances licites et illicites) et les jeunes pris en charge en santé mentale.

Le texte ne précise pas comment, quand et par qui ces jeunes et jeunes adultes seront prises en charge. En se référant aux revendications présentées par Caritas Luxembourg en date du 22 novembre 2022 (2*) , nous aimerions souligner quelques points importants à prendre en compte dans l’actuel projet de loi. Concernant les MNA :

  • Un MNA arrivant au Luxembourg est orienté vers l’ONA et est donc soumis directement au droit de l’immigration. Il serait souhaitable d’intégrer les MNA dans l’actuel projet de loi afin de mettre les MNA directement sous la protection de l’ONE jusqu’à l’âge de 18 ans (3*) . Ceci permettrait de suivre un fil rouge en matière de protection de l’enfant. Il existe des expériences en France et en Allemagne où les MNA sont placés sous la protection de l’Office de la jeunesse respectif. 
  • Les MNA arrivant au Luxembourg sont parfois, dû à un manque de places dans des structures spécialisées, logés dans un dispositif de premier accueil (DPA). Déjà fragilisé par leurs expériences, cet endroit n’est pas interprété comme un endroit sécurisant et dans l’intérêt de l’enfant. Les expériences du terrain montrent, que les MNA doivent rester – par manque de places libres – plusieurs semaines, voire mois dans un DPA avant d’être transféré dans une structure adaptée.
  • Concernant les structures d’hébergement pour MNA, la pratique actuelle ne prévoit pas le respect obligatoire des critères de qualité (nombre de lits, mixité, âge, sexe, etc.) existant pour les mineurs dans le domaine de l’aide à l’enfance et à la jeunesse. Bien qu’il s’agisse à chaque fois des enfants et jeunes adultes nécessitant un cadre protecteur, il semble qu’il y ait deux poids et deux mesures. Cette attitude non contraignante vis-à-vis des critères comporte de nombreux risques pour les personnes concernées.
  • Pour garantir que les MNA demandeurs de protection internationale puissent bénéficier de leurs droits, il faut qu’un administrateur ad-hoc soit désigné à tout mineur jusqu’à l’âge de 18 ans dès la première rencontre du mineur avec la direction de l’immigration. De plus il faut attribuer directement un administrateur public à l’enfant et non attendre que l’institution qui l’accueille fasse cette démarche.
  • En se référant à l’art. 52 « Le traducteur » nous saluons le fait que le traducteur soit explicitement désigné dans le projet de loi. En même temps, nous regrettons que des situations concrètes soient décrites dans lesquelles un jeune a droit à un traducteur. Cela risque d’éliminer d’autres situations dans lesquelles un traducteur est important. Tel serait le cas pour les MNA. Afin de tenir compte de la diversité des situations qui pourraient émerger, nous proposons d’établir soit une liste exhaustive des cas nécessitant les services d’un traducteur, soit d’adapter l’article en sorte de permettre l’ouverture nécessaire.

Outre l’absence de prise en compte des besoins des MNA, la loi ne prévoit aucune aide, assistance ou conseil pour les jeunes et jeunes adultes qui se trouve dans des situations d’addictions. Les données des études Youth Survey Luxembourg (2019) (4*) et Young People and Covid-19 (YAC 2020) (5*) montrent que les catégories d’âge 16-19 et 20-24 consomment davantage d’alcool, de tabac et de cannabis. La dépendance à ces substances est une réalité pour cette catégorie d’âge. Elles doivent être prises en compte dans la pratique. Afin de protéger et d’aider au mieux les adolescents et les jeunes adultes, il est également nécessaire d’accompagner les parents et de le prévoir dans le projet de loi.
Il manque des structures d’accueil d’urgence temporaires pédagogiques. En référence aux expériences de terrain, le projet de loi ne prévoit pas pour l’instant des aides stationnaires et ambulatoires supplémentaires pour les jeunes en crise, comme par exemple le Péitrushaus.

En outre, nous observons un défi général dans l’organisation des aides avec le passage à l’âge adulte légal. Les aides sont alors souvent interrompues ou pas faisables avant 18 ans parce que le cadre légal correspondant ne prévoit pas d’aides transitoires (scolarité, ateliers d’immersion professionnels, ateliers thérapeutiques, prise en charge psychiatriques, etc.). Il est souhaitable que les phases de transition (de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte) soient adéquatement prises en compte par la loi.

Il faudrait donc urgemment une structure stationnaire et ambulatoire spécialisée dans la prise en charge de jeunes adultes. Le terrain démontre clairement que très souvent les efforts de prise en charge avant 18 ans sont vite vains, puisqu’il manque des structures spécialisées en psychiatrie de transition. La psychiatrie adulte n’est pas adaptée aux besoins d’un jeune patient qui a encore un fort besoin en maturation.

„Zwischen dem 16. und 25. Lebensjahr besteht bei Patientinnen und Patienten mit psychischen Erkrankungen eine altersspezifisch besonders hohe Rate von Therapieabbrüchen, die im ungünstigen Fall mit einer raschen und wiederkehrenden Entwicklung psychischer Krisen und der Gefahr der Chronifizierung einhergeht. Viele Patientinnen und Patienten profitieren oft noch nicht von Therapieangeboten aus der Erwachsenenpsychiatrie, sind aber den Angeboten der Kinder- und Jugendpsychiatrie häufig bereits entwachsen (McGorry, Bates & Birchwood, 2013; Pollak, Kapusta, Diehm, Plener & Skala, 2018).

Die Transitionspsychiatrie als Schnittstelle zwischen adoleszentenzentrierter und erwachsenenorientierter Psychiatrie zielt daher darauf, den Übergang von Jugendlichen und jungen Erwachsenen mit frühen, schweren und chronischen psychischen Erkrankungen und langfristigem Behandlungsbedarf aus dem kinder- und jugendpsychiatrischen in das erwachsenenpsychiatrische Versorgungssystem zu verbessern, vermeidbare Chronifizierungen bei psychischen Störungen junger Menschen zu verhindern und daraus resultierende Beeinträchtigungen soweit wie möglich zu reduzieren. Zahlreiche Studien zeigen, dass eine erfolgreiche Behandlung in diesen biografisch wichtigen Jahren die langfristige Prognose entscheidend begünstigt.“(6*)

Il faut nuancer 4 cas de figures dans la prise en charge d’un jeune souffrant de problèmes de santé mentale étant en lien avec la protection de la jeunesse et le pénal :

  1. Des jeunes qui dans le cadre de leur maladie mentale sont un danger pour eux-mêmes ou/et pour des tiers, et qui peuvent refuser une prise en charge. Ex. : Psychose, trouble de la personnalité psychopathique, etc.

  2. Des jeunes qui dans le cadre de leur maladie mentale ne constituent pas un danger imminent pour eux-mêmes ou des tiers ; – pour lesquelles leur problème de santé mentale constitue néanmoins à moyen et long terme un handicap majeur dans leurs chances de se développer dans leur vie (Kindeswohlgefährdung). Ex. : Des jeunes qui dû à leur grave problème d’anxiété ne fréquentent plus l’école et s’isolent. Des jeunes qui fréquentent, dû à leur problème de santé mental, des milieux hautement dangereux (fugues, consommation de drogues, prostitution, délinquance, etc.). Dans ces contextes, une application de la loi actuelle d’internement pour adultes n’est pas indiquée à cause de l’absence de danger imminent. Malgré cela, il existe un risque gravissime de mise en danger de mineur et de non-respect des droits des enfants, ainsi qu’une transition très défavorable dans la vie adulte. Comment aider ces jeunes, si eux-mêmes ou les parents refusent ? Quelle responsabilité l’Etat a-t-il pour un mineur en détresse pour garantir ses droits et devoirs ? Quel en serait le contexte légal ? Quels seraient les mesures de soutien et de protection adaptés ?

  3. Des jeunes en conflit avec la loi, qui sont jugés non juridiquement responsables, dû à leur état de santé mentale et qui continuent à rester un danger pour autrui. (Possible prise en charge dans un service de psychiatrie légale spécialisé (Forensik)).

  4. Des jeunes coupables devant la loi, condamnés souffrant de maladie mentale, ayant besoin dans le contexte de leur incarcération d’une prise en charge ambulatoire ou stationnaire spécialisée en psychiatrie légale.

D’un point de vue professionnel et de respect des droits des enfants, les institutions fermées, s’occupant de mineurs en lien avec les points évoqués, doivent fonctionner de façon indépendante et doivent être structurellement séparées.

Toutes les institutions de privation de liberté évoquées ci-dessus doivent faire l’objet d’un placement par un juge. Entre PUNITION PENALE, MALADIE et SOUTIEN-PROTECTION il devrait y avoir une séparation claire et compréhensible pour le jeune et la société.

Il est important de préciser que dans le contexte pénal, une punition concrète et claire constitue un moteur pédagogique et éducationnel non négligeable pour le jeune et son futur.

Un case-management professionnel et hautement spécialisé, qui se bat pour le jeune, pour ses droits et devoirs, avec le moins d’intervenants possibles, constitue un élément majeur dans la réussite de la prise en charge hautement complexe de mineurs souffrant de maladie mentale, ainsi que de leurs
familles souvent aussi en souffrance. Actuellement ce rôle incombe au détenteur de l’autorité parentale, qui a la responsabilité pour le jeune.

Revendications:

  • Nous souhaitons que le projet de loi actuel tienne compte des groupes de personnes décrits ici et qu’ils apparaissent comme groupe cible dans le texte. Concernant les mineurs non accompagnés il est nécessaire de traiter ces personnes d’abord comme « enfant » et puis comme « personnes immigrés ». Cela permettra que les MNA seront dès le début pris en charge par l’ONE. Concernant les jeunes adultes souffrants d’addictions, nous souhaitons que le projet de loi tienne compte des problèmes d’addictions qui sont une réalité pour les adolescents et jeunes adultes aujourd’hui et de d’offrir des aides aussi bien psychologiques, sociales, éducatives que médicales. 
  • En ce qui concerne les MNA, nous proposons dans l’art. 45 « le territoire » du présent projet de loi, de faire référence à la loi du 29 août 2008.
  • Nous souhaiterons que les transitions d’âges soient traitées avec ménagement et que cela soit lisible dans la nouvelle loi. Nous demandons le droit à l’aide pour les jeunes adultes jusqu’à l’âge de 27 ans.
  • Dans le contexte de santé mentale, il est urgent d’installer des institutions (facultativement) fermées adaptées, séparées et spécialisés, nuançant les intersections entre santé mentale, pénal et protection-soutien.
  • L’instauration d’une prise en charge psychiatrique de transition pour jeunes entre 16 et 25 ans constitue un point essentiel afin d’aider les jeunes souffrant de santé mentale à franchir le cap d’une vie d’adulte autonome et leur éviter des rechutes et une chronification de leurs problèmes.
  • Afin de garantir les droits et devoirs du mineur il serait obligatoire de mettre en place à long terme un case-manager spécialisé, qui a une légitimité pour le jeune et sa famille. Aujourd’hui, cette légitimité est octroyée par le juge de la jeunesse.

Quellen: 

1* « Ecouter – Agir – Changer » – Manuel du Conseil de l’Europe sur la participation des enfants », p. 16

2* Caritas Luxembourg (22 novembre 2022): Revendications. Améliorer la prise en charge des mineurs non accompagnés. Source : https://www.caritas.lu/sites/default/files/2022-11/Caritas_Position_Revendications_mineurs%20non%20acompagn%C3%A9s.pdf (20.12.2022)

3* En se référant à la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

4* Youth Survey Luxembourg (2019): Befunde für die luxemburgischen Jugendberichte und andere laufenden Forschungsprojekte an der Universität Luxemburg.

5* Young People and Covid-19 II: Entwicklungen 2020 bis 2021, Impfbreitschaft und Auswirkungen der Pandemie. Vorläufige Ergebnisse einer repräsentativen Befragung Jugendlicher und junger Erwachsener in Luxemburg.

6* Transitionspsychiatrie – Transitional Psychiatry – Tobias Banaschewski und Martin Driessen, Zeitschrift für Kinder- und Jugendpsychiatrie und Psychotherapie (2020), 48, pp. 423-424 – https://doi.org/10.1024/1422-4917/a000737. © 2020 Hogrefe AG

7* PLACEMENT DE PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX
Loi du 10 décembre 2009 – a) relative à l’hospitalisation sans leur consentement de personnes atteintes de troubles
mentaux, b) modifiant la loi modifiée du 31 mai 1999 sur la Police et l’Inspection générale de la Police et c) modifiant l’article 73 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.

 

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